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Communication. Management. Marketing

Newsletter #57 - 07/05/16


Bonjour,

Apple a présenté il y a quelques jours des résultats financiers marqués par la première baisse annuelle de son chiffre d'affaires trimestriel depuis 2003, mettant un terme à ce qui constitue probablement le plus glorieux parcours de l'histoire corporate

Celui-ci a vu le redressement inespéré de la marque à la pomme par Steve Jobs, qui l'avait réintégrée alors qu'elle était à 90 jours de la faillite, puis la création d'une extraordinaire série d'innovations. On peut les résumer à une liste de produits et services (iMac, iPod et iTunes, iPhone, iPad...) mais chacune d'elles découle en fait d'une vision du futur inventée par Jobs. Ce dernier, à la tête d'Apple et de Pixar, a révolutionné quatre industries (l'informatique, la musique, la téléphonie mobile et le cinéma).

Même si Apple a généré un profit opérationnel de 10,5 milliards de dollars pour un chiffre d'affaires de 50,6 milliards au dernier trimestre, la baisse annuelle de sa performance dans ces deux domaines (respectivement de 22% et 13%) révèle ce qu'une grande partie des observateurs refusaient de voir ces dernières années : son déclin continu depuis le retrait de Steve Jobs de son poste de CEO en raison de problèmes de santé. 

Ce jour-là, le 25 août 2011, j'avais publié sur Superception un article titré "Tim Cook fera certainement un bon job, mais pas un bon Jobs" dans lequel j'écrivais
notamment :

"
Cette annonce me fait penser à une citation d’Albert Einstein : 'La folie, c’est se comporter de la même manière et s’attendre à un résultat différent'. On peut appliquer cet apophtegme à la situation créée par la démission de Steve Jobs : la folie, c’est se comporter d’une manière différente et attendre le même résultat.

Evidemment qu’Apple ne sera plus la même entreprise sans le management quotidien de Jobs ! Ceux qui veulent nous faire croire l’inverse – à commencer par Apple – nous prennent pour des fous. On ne peut d’ailleurs pas affirmer à juste raison que Jobs est l’un des plus grands génies
corporate de l’Histoire et asséner que son départ ne changera rien.

Tim Cook fera un bon job : c’est un dirigeant qui a fait ses preuves opérationnelles et qui tiendra la maison Apple solidement et intelligemment. L’Entreprise bénéficie en outre d’une roadmap produits qui va lui permettre de fonctionner pendant quelque temps. L’absence quotidienne de Steve Jobs ne se fera donc peut-être pas sentir pendant un, deux, trois, voire quatre ans – à moins que son équipe de management ne se dissolve très vite ayant perdu le ciment créé par son leadership personnel.

Mais Tim Cook ne sera pas un second Steve Jobs car Jobs est unique : il viendra inexorablement un temps où l’absence de son co-fondateur fera cruellement défaut à Apple car sa capacité incomparable à avoir une vision pour l’évolution du marché et pour son entreprise et à prendre des risques inhabituels dans le monde industriel pour mettre cette vision en oeuvre sera devenue irremplaçable.

En un mot, Tim Cook managera bien l’élan donné à Apple par Steve Jobs mais je doute qu’il puisse lui donner un nouvel élan quand il le faudra
".

Le déclin d'Apple, longtemps invisible médiatiquement car indécelable dans ses résultats financiers, a concerné les deux éléments que j'évoquais ci-dessus : la double capacité à imaginer une vision du futur et à prendre des risques pour la concrétiser.

Depuis cinq ans, Tim Cook a fait un bon job en ne commettant pas de faute non provoquée et en maintenant la culture et la cohésion managériale d'Apple. Il a ainsi pu faire fructifier durant quelques années l'héritage laissé par son génial prédécesseur.

Mais il n'a pas fait un bon Jobs au sens où il n'a pas donné un nouvel élan à Apple. L'heure de vérité a sonné un an plus tard que je ne l'avais envisagé dans mon article mais le Groupe est désormais rattrapé par une réalité incontournable : elle n'a plus de visionnaire pour la guider. Sous Tim Cook, Apple sait mieux compter que jamais mais elle ne sait plus conter. 

L'Entreprise n'a plus d'intuition originale de ses marchés et ses prétendues innovations n'en sont pas vraiment. Quand l'iPhone menace de croître moins rapidement, Apple "invente" l'iPhone avec un écran plus grand, copiant Samsung (et part à l'abordage du marché chinois). Lorsque l'iPad décline, Apple "invente" l'iPad Pro avec un écran plus grand et un stylet, copiant Microsoft. Dans d'autres domaines, Apple copie, avec plus ou moins de brio et de succès, Amazon (Apple TV), Google (Apple Pay) ou Spotify (Apple Music). L'Entreprise a tiré le maximum des marchés que Steve Jobs lui avait ouverts et semble incapable de se créer des relais de croissance équivalents.

Le seul produit nouveau lancé par Apple sous le règne de Tim Cook est l'Apple Watch qui, ainsi que je l'avais souligné lors de sa présentation, ne correspond à aucune vision de l'évolution des usages des internautes. Contrairement aux préceptes de Steve Jobs, ce produit veut tout faire pour ne passer à côté d'aucune opportunité potentielle. Ce manque de clarté stratégique et de prise de risques se traduit dans le message marketing insignifiant et l'interface utilisateur brouillonne de la montre connectée.

Apple Music, le service de musique en ligne, pâtit des deux mêmes faiblesses, là aussi en raison d'un déficit de vision. De fait, Apple est aujourd'hui un moteur sans volant. Cette situation n'augure d'ailleurs rien de phénoménal pour le développement de la supposée "Apple Car", et ce d'autant plus que les dirigeants du Groupe n'ont aucune expérience de ce marché.

Pis, Apple est également gangrénée par un déclin notable de la qualité de ses logiciels qui font preuve d'instabilités qu'ils ne connaissaient pas auparavant et qui progressent de manière insuffisante (e.g. iTunes) ou insatisfaisante (e.g. Photos). Ainsi, de plus en plus, des logiciels et applications mobiles tiers sont-ils plus efficaces et performants que les solutions maison d'Apple.

Enfin, l'Entreprise clame depuis quelques mois son ambition dans les services alors que c'est un domaine où elle a toujours été, et continue d'être, médiocre et où ses récentes initiatives ne sont pas convaincantes. Ses progrès depuis le MobileMe de sinistre mémoire sont remarquablement lents.

Il serait évidemment prématuré d'annoncer la mort d'Apple. En revanche, il faut constater à regret que l'Entreprise est déjà engagée dans la phase de déclin qu'ont connue avant elle I.B.M. puis Microsoft. Apple est devenue arrogante, statique et autocentrée, les trois défauts qui avaient condamné ses devanciers.

A force de croire à son propre discours marketing, le Groupe a pris du retard sur ses concurrents. Il est en effet difficile de se regarder le nombril et de voir le futur.


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  • Ab hoc et ab hac, enfin, propose des contenus, dénichés au cours de mes divagations numériques, susceptibles de vous intriguer ou vous distraire.

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