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Newsletter #71 - 01/10/16

Edito : Donald Trump, singleton à tâtons


 


Bonjour,

Le premier débat entre Hillary Clinton et Donald Trump a validé au moins l'une des analyses que j'avais partagées avec vous dans l'article "
Les quatre raisons pour lesquelles Donald Trump va perdre".

Au-delà des déficits idéologique, démographique et logistique que j'attribuais au candidat républicain, j'y mettais en exergue l'erreur stratégique majeure qu'il commet à mon sens :

"Au lieu de faire jouer l’impopularité de Clinton en concentrant toute sa campagne sur ses faiblesses politiques et éthiques, Trump a adopté une stratégie doublement suicidaire :

  • focaliser la course à la Maison-Blanche sur sa personne en faisant sans cesse la Une de l’actualité par ses provocations, transformant ainsi la campagne en référendum pour ou contre Trump et non pour ou contre Clinton ;
  • attaquer presque tout le monde (leaders républicains, journalistes, autorités morales, célébrités…) sauf Hillary Clinton, le faîte absurde de cette tactique étant sa charge contre le Pape François".
Or, dans la nuit de lundi à mardi, on eut une démonstration presque par l'absurde de ce double suicide, alors même que Trump aurait dû essayer d'élargir sa base pour faire la différence dans les Etats-clés. En effet, le problème posé par un noyau dur électoral comme le sien est que, trop dur, il peut devenir impénétrable aux autres franges de l'opinion.

Après avoir initialement attaqué Hillary Clinton au sujet de sa position fluctuante sur les accords de libre échange, le développeur immobilier mordit à tous les hameçons que l'ancienne Secrétaire d'Etat lui lança. Elle passa notamment en revue le prêt de 14 millions de dollars que son père lui accorda pour qu'il lance son entreprise (sujet qu'elle aborda dès le début du débat pour l'irriter), le niveau réel de sa fortune, son refus de rendre publiques ses déclarations de revenus, son bilan en matière de création d'emplois, ses relations avec ses fournisseurs et prestataires, ses pratiques racistes, ses propos misogynes et, naturellement, ses positions politiques.

Incidemment, on peut ne pas aimer Hillary Clinton - que j'ai critiquée plus souvent qu'à mon tour sur Superception - mais il faut au moins lui reconnaître un professionnalisme et une résistance à la pression exceptionnels. Elle fut impressionnante lors de ce débat même si elle n'y fut pas vraiment challengée, qu'elle ne fit pas montre du charisme et de l'empathie qui lui font défaut depuis toujours et qu'elle n'embrassa pas le changement dans une élection pourtant marquée par cette aspiration.

Hillary Clinton l'emporta parce qu'elle s'était préparée et qu'elle appliqua sa stratégie avec une précision chirurgicale. Il me semble que sa feuille de route consistait davantage à démonter la personnalité de Donald Trump qu'à démontrer la nocivité de ses idées. C'est pourquoi elle s'attaqua en permanence à son estime de soi.

On eut ainsi la confirmation d'une réalité psychologique étonnante : alors que la nature humaine est complexe et par essence plurielle, Donald Trump est un singleton mental. Il se définit exclusivement par son ego. Le moindre titillement de celui-ci revient à une destruction de son identité ontique.

C'est pourquoi Trump fut incapable de résister aux provocations de Hillary Clinton et de suivre le plan d'attaque qu'il avait semblé amorcer au tout début de leur échange. A cet égard, ce débat confirma le coup le plus dévastateur porté contre son adversaire par l'ancienne Première dame lors de son discours durant la Convention démocrate : "Vous ne pouvez pas confier l'arme nucléaire à un homme que vous pouvez déstabiliser avec un tweet".

Déséquilibré par les frappes psychologiques millimétrées de Hillary Clinton, le singleton Trump parcourut leur débat à tâtons, passant l'essentiel de son temps à défendre son ego plutôt qu'à faire valoir ses messages ou attaquer sa rivale sur des sujets tels que l'affaire des emails, l'assaut du consulat américain de Benghazi ou la Fondation Clinton.

Outre sa charge sur le libre échange, il ne tenta, en plus d'une heure et demie, qu'une autre offensive, sur son bilan de trois décennies de vie publique sans réel accomplissement. Il n'utilisa pas non plus des thématiques extrêmement importantes aux yeux des électeurs républicains, au premier rang desquelles la nomination de juges conservateurs à la Cour Suprême.


Comme je le soulignais dans l'article cité plus haut, il transforma de fait le débat en référendum pour ou contre Trump et non pour ou contre Clinton. Les réactions de ses conseillers recueillies en "off" par les médias révèlent d'ailleurs leur accablement face au déficit de compétence et de discipline de leur candidat.

Celui-ci appliqua également la deuxième stratégie suicidaire que je mentionnais dans cet article : attaquer presque tout le monde sauf Hillary Clinton. Dans ce premier débat, il s'en prit ainsi à une comique américaine (Rosie O'Donnell) et à une ancienne Miss Univers vénézuélienne.

L'une de mes références intellectuelles, Raymond Aron, disait qu'on choisit ses ennemis, pas ses amis.

Les prédilections de Donald Trump à cet égard révèlent sa nature profonde.


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  • La pratique répétée d'une activité n'est pas forcément, comme on a pu souvent le croire, la seule explication de la performance accomplie. Le talent pur et l'environnement dans lequel les individus évoluent jouent également un rôle significatif : Practice Doesn't Make Perfect
  • [communication] Lors de son débat avec Donald Trump, Hillary Clinton renvoya plusieurs fois les 84 millions de téléspectateurs vers son site web qui avait été momentanément transformé en plate-forme de vérification des affirmations (fact checking) de son adversaire. Une initiative originale, et couronnée de succès, pour combattre la relation troublée de ce dernier avec la vérité : Millions Of People Checked Out Clinton’s Debate Fact-Check Site
  • [communication] Les débats politiques télévisés sont des exercices extrêmement difficiles pour les candidats, et ce d'autant plus lorsque, comme ce fut le cas dans la nuit de lundi à mardi, ces derniers sont en permanence à l'écran, celui-ci étant divisé en deux durant toute la durée de leurs échanges. Il leur faut allier cohérence du discours, discipline et efficacité des messages, esprit de répartie, comportement adéquat et langage corporel positif. Pas étonnant que les grands débats soient parfois l'occasion d'erreurs majeures : The 8 Biggest Unforced Errors In Debate History
  • [communication] Une seule interview peut laisser une trace immuable dans la perception que le public a d'une personnalité. Ce fut le cas du sauvetage télévisuel de Bill Clinton par Hillary en 1992 lorsque le jeune candidat à la Maison-Blanche fut accusé d'infidélité : The TV Interview That Haunts Hillary Clinton
  • [communication] La réforme du Denver Post, le quotidien de la capitale du Colorado, est riche d'enseignements pour la presse écrite : How Massive Cuts Have Remade The Denver Post
  • [communication] La couverture par CNN de la disparition du vol MH370 de Malaysia Airlines fut autant critiquée pour son sensationnalisme qu'elle captiva des millions de téléspectateurs : The Vanishing of Flight MH370: The Inside Story of CNN's Coverage
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